Christelle Léopold s'est lancée un défi : ouvrir sa propre épicerie il y a plus d'un an. Nichée en haut d'une colline de Fond Capot, au Carbet, cette supérette anime le quartier et permet aux personnes âgées de rompre avec l'isolement.
À la question « Pourquoi Kazilanga ? », Christelle répond en souriant : « Alors, "Kaz" pour la case, c'est-à-dire la maison en créole, et "ilanga" parce que ça veut dire "soleil" en zoulou. Soleil, c'est aussi le surnom de Christelle Léopold. « On l'appelle comme ça car elle a toujours un large sourire », confie son amie Lya, de passage dans l'épicerie ouverte depuis avril 2024.
« Au-delà d'être une petite supérette, c'est aussi un lieu de convivialité où les personnes âgées aiment se retrouver et discuter », explique la jeune gérante carbétienne de 39 ans. Au Carbet, en moyenne, 40 % des habitants âgés d'au moins 80 ans vivent seuls. L'épicerie de Christelle représente pour eux un moyen de sortir et de sociabiliser.
C'est le cas notamment de Paul Page, qui passe le plus clair de son temps à l'abri-bus situé en contrebas de la supérette. » Je n'ai pas de voiture et le magasin du bourg est plus loin. Depuis que Christelle a ouvert son épicerie, je fais mes courses ici, c'est mieux « , confie-t-il, coiffé de son chapeau de paille, aux côtés de son ami Teddy Janvier. « Il fait souvent très chaud, et marcher au bord de la route en direction du magasin du bourg peut être dangereux pour les personnes âgées », rappelle-t-il. « Kazilanga est bien placée », conclut Teddy Janvier.
60 à 70 000 euros d'investissement
Christelle Léopold travaille seule de 7 h 30 à 12 h 30 et de 15 h 30 à 20 h, presque sept jours sur sept. « Si je dois faire des courses pour réapprovisionner le magasin, je peux compter sur ma famille, notamment ma sœur qui me remplace de temps en temps à la caisse », explique-t-elle, aux côtés de son fils de 9 ans qui la soutient dans cette aventure.
« Je suis fier de ma maman », lâche-t-il, avant de la rejoindre derrière la caisse que le père de Christelle a construite de ses propres mains. « Tout est fait maison », souligne-t-elle. « J'ai acheté deux conteneurs à 6 700 euros, et avec ma famille nous avons fait la peinture, les étagères, tout », ajoute-t-elle fièrement.
Au total, la jeune femme a déboursé près de 70 000 euros pour sa supérette.
Avant de se lancer dans cette aventure, elle travaillait dans l'administratif et le commerce pour de grands groupes. « J'ai un diplôme en gestion de petites et moyennes entreprises. Il y a deux ans, j'en ai eu assez d'être employée, j'ai emprunté une autre direction en me lançant ce défi », explique-t-elle.
« Je garde un goût amère de la CTM »
Si Christelle Léopold parvient enfin à être rentable, le projet de ses rêves n'a pas été facile à mettre en place. « J'ai fait une demande de subventions auprès de différents acteurs, dont la CTM et Initiative Martinique Active, mais tout ne s'est pas passé comme prévu », raconte-t-elle. « Je garde un goût amère de la CTM.
Mon dossier est passé de mains en mains. Je n'ai jamais eu le même interlocuteur, ce qui a retardé les démarches. On m'avait promis que je toucherais des aides pour mon projet ; au final, sans l'aide de ma banque, rien n'aurait vu le jour », dit-elle avec amertume. « J'ai fait des prêts d'honneur en passant par Initiative Martinique active et la Banque Publique d'Investissement. Les conventions ont été signées sur la personne physique et non la société ce qui est aberrant. Mon activité n'avait pas encore débutée que je devais déjà honorer les mensualités sur mes propres fonds ou m'arranger avec la banque mais j'ai débuté avec un déficit de 15 000€ », se souvient-elle.
« Je commence à peine à respirer »
« Je commence à peine à respirer, et même si je garde un goût amer de cette expérience, elle aura été enrichissante car c'est dans l'épreuve qu'on se découvre véritablement », explique-t-elle.
Si Christelle Léopold explique donc n'avoir pas bénéficié de l'accompagnement qu'elle espérait,elle a pu compter sur la ville du Carbet, sa famille, ses amis et ses clients fidèles, qui continuent toujours de l'épauler dans cette nouvelle aventure.
Yannick, habitante du Carbet
« J'y vais de temps en temps. Mais c'est surtout très pratique pour les personnes âgées qui n'ont pas de voiture. En plus, le dimanche, la supérette ferme plus tard que l'autre commerce dans le coin, ce qui dépanne lorsqu'on a de petites courses de dernière minute ou qu'on termine tard. On devrait avoir plus de commerces de ce genre dans le coin. »